En Italie, comme ailleurs en Europe, pendant ces trente dernières années, les professionnels ‘réflexifs’ (selon le concept de Donald Schön) et les chercheurs en urbanisme évaluent les projets innovants comme terrain, échelle d’intervention et dispositif à partir duquel se produisent des transformations importantes des villes. Le débat sur les formes nouvelles et possibles de la planification en sont la conséquence (et non pas le présupposé). Il s’agit d’ailleurs d’une tension -celle entre les outils de planification synoptiques et les actions concentrées dans des portions stratégiques de la ville- qui a une longue histoire dans le contexte italien où, notamment depuis l’après-guerre, quelques unes des figures les plus influentes de l’histoire de l’urbanisme manifestent une forte orientation à la dimension du projet, en raison aussi de la matrice culturelle fortement liée aux Ecoles d’Architecture (c’est le cas de Ludovico Quaroni, Giancarlo De Carlo, Vittorio Gregotti, Aldo Rossi, Carlo Aymonino, qui étaient actifs déjà à partir des années 60). Le thème parcourt donc le fil du temps, avec une continuité difficile à distinguer de la part de ceux qui observent les expériences italiennes de l’extérieur, et il arrive aujourd’hui à la confluence entre traditions de projet et tendances déjà amplement répandues ailleurs de planification stratégique et sélective. Les expériences en cours en Italie composent une variété de cas qui mérite d’être reconstruite et soumise à évaluations. De ce point de vue, le débat disciplinaire et la littérature y relative semblent intéressés notamment au dessin du projet originaire ou bien aux aspects qui concernent le processus décisionnel successif. Une autre piste de recherche a été expérimentée par les membres d’un équipe dont je fait partie (1) et propose d’assumer comme données influentes dans le travail d’observation de nouveaux projets urbains les effets produits dans l’espace et sur les personnes qui le pratiquent afin de remonter, à rebours, aux dimensions qui contribuent à composer un profil de succès ou à l’opposé un profil critique d’un projet urbain : crédibilité et responsabilisation des sujets qui ont mené et maîtrisé les opérations d’implémentation du projet, cohérence et pertinence technique de la mise en chantier, responsabilité et compétence des acteurs appelés à gérer et entretenir les nouveaux espaces urbains, durabilité sociale, économique et environnementale de l’initiative, connexion et cohérence avec des politiques urbaines clairvoyantes, praticables, démocratiques. Il s’agit donc d’explorer les nouvelles manières de produire la ville de à partir d’une recherche empirique de ses effets. Non pas une étude d’évaluation strictu sensu, mais une étude qui met en valeur les éléments critiques à traiter et les éléments innovants à assumer, sur la base d’ expériences concrètes et en privilégiant l’innovation des politiques publiques et marchandes dans les cultures de projet. Je propose ici de pratiquer cette perspective en approfondissant une expérience qui présente des éléments d’intérêt : le cas de l’ancien marché agricole à Bologne. Cette expérience peut être reconduite aux projets de requalification à long terme qui changent et évoluent au cours du temps, devenant le terrain d’expérimentation-pilotes pour de nouveaux outils d’aménagement et pour l’institutionnalisation de formes participatives d’action publique. Au fil de son évolution le projet change par rapport aux principes fondateurs, à la densité urbaine, aux formes de financement et d’organisation des infrastructures, à l’articulation des espaces bâtis et non bâtis (végétaux et minéraux), publics et privés. Mais il s’agit aussi d’une histoire exemplaire de requalification urbaine avec toutes ses implications en termes de traitement de ‘ruines’ modernes, en Italie souvent réduites à tabula rasa, alors qu’ici elles deviennent objets de choix et de préservation par la municipalité et par les citoyens eux-mêmes. Le cas est marqué par une expérience innovante et solide de redéfinition du projet, menée à la suite des mobilisations locales mais transformée en action institutionnelle après un parcours (d’ailleurs assez rapide, entre 2005 et 2006) d’apprentissage qui a mis en jeu : les professionnels, auteurs du projet remis en cause ; la municipalité qui veut inaugurer une approche participative non seulement dans le cas du projet concernant l’ancien marché, mais plus en général dans les décisions qui concernent les transformations urbaines ; les citoyens qui ont exigé un nouveau projet et qui ont dû se mesurer avec la fatigue de la rationalité collective de ce type de processus, avec la pesanteur normative des décisions institutionnelles, avec les quelques éléments invariables du projet, avec les raisons techniques, économiques, environnementales à la base d’une orientation de l’action publique, avec les arguments d’intérêt collectif et public qui justifient l’assomption de logiques pas seulement locales.

Les métamorphoses de Mercato Navile, à Bologne: une infrastructure urbaine qui devient l'îlot d'un quartier / Sampieri, Angelo; Savoldi, P.. - ELETTRONICO. - (2013), pp. 1-7. (Intervento presentato al convegno Colloque International Futurs urbains tenutosi a Université de Paris-Est, Paris nel 16-18 janvier 2013).

Les métamorphoses de Mercato Navile, à Bologne: une infrastructure urbaine qui devient l'îlot d'un quartier

SAMPIERI, ANGELO;
2013

Abstract

En Italie, comme ailleurs en Europe, pendant ces trente dernières années, les professionnels ‘réflexifs’ (selon le concept de Donald Schön) et les chercheurs en urbanisme évaluent les projets innovants comme terrain, échelle d’intervention et dispositif à partir duquel se produisent des transformations importantes des villes. Le débat sur les formes nouvelles et possibles de la planification en sont la conséquence (et non pas le présupposé). Il s’agit d’ailleurs d’une tension -celle entre les outils de planification synoptiques et les actions concentrées dans des portions stratégiques de la ville- qui a une longue histoire dans le contexte italien où, notamment depuis l’après-guerre, quelques unes des figures les plus influentes de l’histoire de l’urbanisme manifestent une forte orientation à la dimension du projet, en raison aussi de la matrice culturelle fortement liée aux Ecoles d’Architecture (c’est le cas de Ludovico Quaroni, Giancarlo De Carlo, Vittorio Gregotti, Aldo Rossi, Carlo Aymonino, qui étaient actifs déjà à partir des années 60). Le thème parcourt donc le fil du temps, avec une continuité difficile à distinguer de la part de ceux qui observent les expériences italiennes de l’extérieur, et il arrive aujourd’hui à la confluence entre traditions de projet et tendances déjà amplement répandues ailleurs de planification stratégique et sélective. Les expériences en cours en Italie composent une variété de cas qui mérite d’être reconstruite et soumise à évaluations. De ce point de vue, le débat disciplinaire et la littérature y relative semblent intéressés notamment au dessin du projet originaire ou bien aux aspects qui concernent le processus décisionnel successif. Une autre piste de recherche a été expérimentée par les membres d’un équipe dont je fait partie (1) et propose d’assumer comme données influentes dans le travail d’observation de nouveaux projets urbains les effets produits dans l’espace et sur les personnes qui le pratiquent afin de remonter, à rebours, aux dimensions qui contribuent à composer un profil de succès ou à l’opposé un profil critique d’un projet urbain : crédibilité et responsabilisation des sujets qui ont mené et maîtrisé les opérations d’implémentation du projet, cohérence et pertinence technique de la mise en chantier, responsabilité et compétence des acteurs appelés à gérer et entretenir les nouveaux espaces urbains, durabilité sociale, économique et environnementale de l’initiative, connexion et cohérence avec des politiques urbaines clairvoyantes, praticables, démocratiques. Il s’agit donc d’explorer les nouvelles manières de produire la ville de à partir d’une recherche empirique de ses effets. Non pas une étude d’évaluation strictu sensu, mais une étude qui met en valeur les éléments critiques à traiter et les éléments innovants à assumer, sur la base d’ expériences concrètes et en privilégiant l’innovation des politiques publiques et marchandes dans les cultures de projet. Je propose ici de pratiquer cette perspective en approfondissant une expérience qui présente des éléments d’intérêt : le cas de l’ancien marché agricole à Bologne. Cette expérience peut être reconduite aux projets de requalification à long terme qui changent et évoluent au cours du temps, devenant le terrain d’expérimentation-pilotes pour de nouveaux outils d’aménagement et pour l’institutionnalisation de formes participatives d’action publique. Au fil de son évolution le projet change par rapport aux principes fondateurs, à la densité urbaine, aux formes de financement et d’organisation des infrastructures, à l’articulation des espaces bâtis et non bâtis (végétaux et minéraux), publics et privés. Mais il s’agit aussi d’une histoire exemplaire de requalification urbaine avec toutes ses implications en termes de traitement de ‘ruines’ modernes, en Italie souvent réduites à tabula rasa, alors qu’ici elles deviennent objets de choix et de préservation par la municipalité et par les citoyens eux-mêmes. Le cas est marqué par une expérience innovante et solide de redéfinition du projet, menée à la suite des mobilisations locales mais transformée en action institutionnelle après un parcours (d’ailleurs assez rapide, entre 2005 et 2006) d’apprentissage qui a mis en jeu : les professionnels, auteurs du projet remis en cause ; la municipalité qui veut inaugurer une approche participative non seulement dans le cas du projet concernant l’ancien marché, mais plus en général dans les décisions qui concernent les transformations urbaines ; les citoyens qui ont exigé un nouveau projet et qui ont dû se mesurer avec la fatigue de la rationalité collective de ce type de processus, avec la pesanteur normative des décisions institutionnelles, avec les quelques éléments invariables du projet, avec les raisons techniques, économiques, environnementales à la base d’une orientation de l’action publique, avec les arguments d’intérêt collectif et public qui justifient l’assomption de logiques pas seulement locales.
File in questo prodotto:
Non ci sono file associati a questo prodotto.
Pubblicazioni consigliate

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11583/2505602
 Attenzione

Attenzione! I dati visualizzati non sono stati sottoposti a validazione da parte dell'ateneo