L’Ordre Mauricien (« Sacrée Religion des Saints Maurice et Lazare ») est le deuxième ordre chevaleresque dynastique de la Maison de Savoie, étant l’Ordre de la Sainte-Annonciade le premier et prééminent. Dès son origine – au XVIIe siècle, grâce à la réunions des Ordres de Saint-Lazare (d’ancienne origine, remontant à l’époque des croisades et à vocation hospitalière) et de Saint-Maurice (plus récent, fondé par Amédée VIII de Savoie et clairement chevaleresque) – la Sacrée Religion a toujours eu une structure interne dans laquelle le Grand-Maître, en même temps souverain, gérait aussi le soi-disant Trésor. Celui-ci, composé en prééminence de revenues et de décimes, reposait à son tour sur l’application massive du régime de la commanderie. Cette solution d’administration de vastes surfaces agricoles, si bien que de patrimoines monétaires (on a des commanderies en faite qui ne sont que des capitaux ou des droits de perceptions d’impôts), était tout à fait caractéristique des ordres chevaleresques, là où le titre de commanditaire s’associait immédiatement avec la condition de chevalier de l’Ordre, donc le premier niveau du rang nobiliaire ou un agrément ultérieur à une condition aristocratique préexistante. Rigoureusement inspectés par des « visitateurs » envoyés par le Souverain, les commanderies sont sujets à des véritables répertoires de leurs possessions dès la fondation de l’Ordre et chaque Grand-Maître, y comprises les Régentes (Marie-Christine de France pour le futur Charles-Emmanuel II et Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours pour le grand Victor-Amédée II) ne manquera de laisser des instructions précises pour leur mesure et évaluation. Tout de même ce sera seulement par disposition du roi (maintenant de Sicile) Victor-Amédée II de 1715 que ces inspections seront suivies « d’arpentage et de représentation en forme de plan terriers (cabrés) ». Le billet royal, imposant cette représentation et ouvrant à une nouvelle forme de « mesure et dessin », se trouve donc à l’origine d’une masse imposante d’albums (les cabrés en forme soit de collections, soit de mappes accompagnant les mesures). On en compte plus de quatre vingt, en séries successives, de 1716 à 1851, la date finale de production coïncidant avec la disposition de Charles-Albert de Savoie qui éliminait les conditions de « majorité et primogéniture » et, avec celles-ci, les commanderies. En raison de leur origine, les commanderies sont répandues dans les territoires contrôlés ou acquis par la Maison de Savoie, donc là où préexistaient les possessions de l’Ordre de Saint-Lazare et dans les régions où on fonda celles du nouveau ordre dynastique, avec une grande prééminence pour les territoires de la Savoie et du Piémont. La série des cabrés, conservée aux Archives Historiques de l’Ordres, à Turin, représente donc, avec le détail de la parcelle et avec des mappes parcellaires à couleurs vivaces, eux-mêmes emblèmes de la richesse du commanditaire et, par reflet, de l’Ordre, la condition agricole, le régime de production et les biens des commanderies. La mappe s’associant toujours à une liste des parcelles, à une mesure et à un arpentage, tel que la critique l’a souligné depuis longtemps, les cabrés sont enfin des sortes de proto-cadastres et offrent une image fiable – si bien que avec ses règles propres et ses rigidités – du territoire de l’Ancien Régime et, pour le cas que nous considérons, après la réquisition napoléonienne, aussi bien de la première moitié du XIXe siècle.

Les plans terriers (cabrés) de l'ordre mauricien : l'arpentage du territoire et la construction d'images d'un statut social / Devoti, Chiara - In: Cartographier le parcellaire rural dans l'Europe d'Ancien Régime / Antoine Annie, Landais Benjamin (sous la direction de). - STAMPA. - Rennes : PUR - Presses Universitaires de Rennes, 2023. - ISBN 978-2-7535-9534-7. - pp. 219-231

Les plans terriers (cabrés) de l'ordre mauricien : l'arpentage du territoire et la construction d'images d'un statut social

Devoti, Chiara
2023

Abstract

L’Ordre Mauricien (« Sacrée Religion des Saints Maurice et Lazare ») est le deuxième ordre chevaleresque dynastique de la Maison de Savoie, étant l’Ordre de la Sainte-Annonciade le premier et prééminent. Dès son origine – au XVIIe siècle, grâce à la réunions des Ordres de Saint-Lazare (d’ancienne origine, remontant à l’époque des croisades et à vocation hospitalière) et de Saint-Maurice (plus récent, fondé par Amédée VIII de Savoie et clairement chevaleresque) – la Sacrée Religion a toujours eu une structure interne dans laquelle le Grand-Maître, en même temps souverain, gérait aussi le soi-disant Trésor. Celui-ci, composé en prééminence de revenues et de décimes, reposait à son tour sur l’application massive du régime de la commanderie. Cette solution d’administration de vastes surfaces agricoles, si bien que de patrimoines monétaires (on a des commanderies en faite qui ne sont que des capitaux ou des droits de perceptions d’impôts), était tout à fait caractéristique des ordres chevaleresques, là où le titre de commanditaire s’associait immédiatement avec la condition de chevalier de l’Ordre, donc le premier niveau du rang nobiliaire ou un agrément ultérieur à une condition aristocratique préexistante. Rigoureusement inspectés par des « visitateurs » envoyés par le Souverain, les commanderies sont sujets à des véritables répertoires de leurs possessions dès la fondation de l’Ordre et chaque Grand-Maître, y comprises les Régentes (Marie-Christine de France pour le futur Charles-Emmanuel II et Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours pour le grand Victor-Amédée II) ne manquera de laisser des instructions précises pour leur mesure et évaluation. Tout de même ce sera seulement par disposition du roi (maintenant de Sicile) Victor-Amédée II de 1715 que ces inspections seront suivies « d’arpentage et de représentation en forme de plan terriers (cabrés) ». Le billet royal, imposant cette représentation et ouvrant à une nouvelle forme de « mesure et dessin », se trouve donc à l’origine d’une masse imposante d’albums (les cabrés en forme soit de collections, soit de mappes accompagnant les mesures). On en compte plus de quatre vingt, en séries successives, de 1716 à 1851, la date finale de production coïncidant avec la disposition de Charles-Albert de Savoie qui éliminait les conditions de « majorité et primogéniture » et, avec celles-ci, les commanderies. En raison de leur origine, les commanderies sont répandues dans les territoires contrôlés ou acquis par la Maison de Savoie, donc là où préexistaient les possessions de l’Ordre de Saint-Lazare et dans les régions où on fonda celles du nouveau ordre dynastique, avec une grande prééminence pour les territoires de la Savoie et du Piémont. La série des cabrés, conservée aux Archives Historiques de l’Ordres, à Turin, représente donc, avec le détail de la parcelle et avec des mappes parcellaires à couleurs vivaces, eux-mêmes emblèmes de la richesse du commanditaire et, par reflet, de l’Ordre, la condition agricole, le régime de production et les biens des commanderies. La mappe s’associant toujours à une liste des parcelles, à une mesure et à un arpentage, tel que la critique l’a souligné depuis longtemps, les cabrés sont enfin des sortes de proto-cadastres et offrent une image fiable – si bien que avec ses règles propres et ses rigidités – du territoire de l’Ancien Régime et, pour le cas que nous considérons, après la réquisition napoléonienne, aussi bien de la première moitié du XIXe siècle.
2023
978-2-7535-9534-7
Cartographier le parcellaire rural dans l'Europe d'Ancien Régime
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11583/2985219