Pour une histoire matérielle des chantiers de restauration d’Alfredo d’Andrade (1839-1915). Des documents aux pratiques

Contributo: La contribution vise à définir un segment inédit « d’une histoire matérielle du chantier de restauration en Europe » en focalisant l’attention sur Alfredo d’Andrade (Lisbonne 1839 – Gênes 1915), une figure fondamentale pour l’histoire de la conservation et de la restauration en Italie entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Né au sein d’une famille portugaise aisée, Alfredo d’Andrade enrichit son expérience internationale en visitant des expositions à Paris, en séjournant à Lisbonne et en vivant en Italie, où il fréquente à partir de 1857 l’Accademia Ligustica de Gênes. Parallèlement à l’architecture, d’Andrade se passionne pour la peinture de paysage réaliste. En 1861, il fait la connaissance de Carlo Pittara qui l’invite au château de Rivara, une demeure piémontaise dans laquelle se rassemble tout un cénacle d’artistes avec lequel d’Andrade partage non seulement l’intérêt pour la peinture réaliste, mais également une attention précoce pour les vestiges médiévaux et la restauration. C’est dans un contexte de contaminations et d’interactions entre les arts figuratifs, qui deviennent un moyen servant à la connaissance et à la restauration des monuments, que se placent les chantiers privés dont d’Andrade est chargé personnellement. Ceux-ci marquent respectivement le début de sa carrière de restaurateur (Rivara, restauration du château « neuf » et du château « vieux », années 1873-1877, lieu où se réunit également le cénacle artistique), la progression (Tagliolo, restauration du château des Marquis Pinelli Gentile, à partir de 1879) et la pleine maturité (Pavone, restauration du château familial, entre 1885 et 1912, peu avant sa disparition). Ce travail examine des répertoires extrêmement riches, composés d’ébauches et de dessins, de projets d’éléments architecturaux et décoratifs, de notes, de commandes, d’expertises, de cahiers de chantier, de correspondance avec les ouvriers et de photographies sur papier albuminé. Ce corpus iconographique et documentaire, en grande partie inexploré, est conservé à la Galleria Civica d’Arte Moderna de Turin, Fonds d’Andrade, et aux Archives d’État de Turin, Corte, d’Andrade, Carteggio Privato. L’examen comparé de ces cas d’étude, que l’on peut également analyser d’un point de vue anthropologique grâce à des sources éloquentes, montre comment le modus operandi s’améliore avec le temps et utilise une main-d’œuvre qualifiée afin de garantir une qualité des travaux ; de plus, les choix d’intervention sont calibrés sur les spécificités des monuments. Il souligne également la méthode d’approche qui documente minutieusement les étapes de projet et de réalisation ainsi que les relations avec tous les intervenants, nous permettant ainsi de voir comment d’Andrade maîtrise ses chantiers. Il est possible grâce aux sources de reconstituer l’organisation et la vie des chantiers, mais également de recomposer le désir d’en communiquer les résultats, avec la réalisation de brochures, de cartes postales commémoratives et de tirages photographiques grand format... Volume: L'histoire du chantier de restauration entre 1830 et 1914, en particulier celle de ses pratiques, reste encore à écrire. Les sources, tant archivistiques qu’archéologiques, sont profuses dans le domaine. Elles éclairent sur les procédés techniques et les savoir-faire des métiers (du gros-œuvre comme du second-œuvre) ainsi que sur l’organisation et la vie des chantiers. L’ambition de ce volume est de proposer une première approche de cette documentation. Les contributions réunies – études de cas, monographies ou essais – interrogent les stratégies d’approvisionnement en matériaux, l’évolution des procédés techniques de façonnage et de mise en œuvre, de même que les enjeux humains, économiques, sociaux, sociologiques et idéologiques qui motivèrent ces usages. Sous ce nouvel éclairage, le chantier de restauration révèle une matière inédite susceptible de relativiser nos acquis.